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09/11/2010

Né sous le règne du général de Gaulle.

Je suis né sous le règne du général de Gaulle… Règne, plus encore que présidence ! Même si l’hérédité n’y est pas, ni la légitimité dynastique, il y a au moins la légitimité historique, celle d’Antigone face à Créon, née de quelques mots prononcés derrière un micro anglais et d’une attitude « crâne » face à l’invasion allemande, il y a le refus du renoncement, cet « orgueil » d’un aristocrate d’épée face au monstre froid de la Technique victorieuse et face à cet état d’esprit bourgeois qui pense à sauver ses meubles quand la maison cède devant la marée « feldgrau »…

 

Je suis né sous le règne du général de Gaulle, et mes premiers livres d’aventures ont été ceux évoquant la Résistance, les multiples ouvrages signés du colonel Rémy, ce monarchiste qui a cru en une possible conciliation entre « l’épée de Gaulle » et « le bouclier Pétain », dans un réflexe d’unité henricienne sans doute vain et illusoire, mais, pourquoi pas, nécessaire un temps pour l’apaisement de la mémoire nationale.

 

Je suis né sous le règne du général de Gaulle… Mais, un soir de novembre 1970, mes parents m’ont planté devant la télé (en noir et blanc), après les informations de 20 heures : c’était pour moi un privilège rare, en semaine, de pouvoir regarder le petit écran « si tard », et il fallait bien qu’il y ait un événement grave, quelque chose d’important, assez pour ne pas m’envoyer me coucher…

 

Je n’ai pas perdu une seconde de l’émission d’hommage au général de Gaulle : sa mort, « la deuxième de ma vie » après celle de mon grand-père (ce « bonbapa » chéri qui m’a tant manqué ensuite), devenait l’occasion d’une sorte de veillée funèbre à travers la présence de toute la famille autour du poste de télé qui rappelait l’histoire du « chêne abattu ». J’étais au pied du lit parental, et je regardais les images d’une vie qui défilaient, fasciné par cet homme qui sortait de la vie pour entrer définitivement dans l’histoire : mon âme d’enfant vibrait à l’évocation de celui que je n’avais jusqu’alors connu que vieux et paternel, et qui m’apparaissait désormais comme un militaire, un chevalier refusant de courber la tête devant l’ennemi même vainqueur un temps…

 

Je reviendrai à la même place quelques jours après pour la retransmission de la messe d’hommage à Notre Dame et les images du cercueil drapé de tricolore sur un blindé sortant du domaine de La Boisserie.

 

Aujourd’hui, la République « bling-bling » commémore celui dont elle ne cesse, quotidiennement, de contredire l’œuvre, autant politique et diplomatique que sociale. Les derniers gaullistes s’éteignent, dans une indifférence à peine troublée par les quelques mots usuels d’hommage, habilement récités… Larmes de crocodile et hypocrisie assurée, de la part de nos gouvernants !

 

Mais sans doute tout cela est-il naturel, ou logique : le gaullisme était, non une idéologie, mais bien plutôt un état d’esprit qui venait de loin, de notre histoire nationale, celle du « royaume contre l’empire », de l’audace et de la raison capétienne, de la passion française, même républicaine, de celle aussi des « hommes libres », des d’Artagnan mais aussi des Colbert, fidèles « malgré tout » à la France et à son Etat, quelles qu’en soient les couleurs ou les formes ! Autant de choses que ne peuvent comprendre les membres de l’oligarchie dirigeante actuelle, prisonniers de leurs principes de « l’économique d’abord », de la rentabilité et du « Time is money » franklinien…

 

De Gaulle a été, avec un style qui lui était propre, une sorte de « Grand connétable » qui a rétabli l’unité de l’Etat et lui a rendu, face aux féodalités de l’époque (celles des partis comme de la finance), une certaine indépendance : lorsqu’il déclare que « l’intendance suivra » ou que « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille [la Bourse] », il rappelle que l’Etat ne doit pas être un simple gestionnaire de l’économique et qu’il n’a pas pour seule vocation de rechercher la rentabilité mais bien plutôt d’assurer la protection de chaque Français et d’abord du pays dont la liberté est la condition de toute citoyenneté librement assumée, et pour favoriser l’entraide entre Français, entre générations et entre contemporains, avant que d’aider les autres qui attendent tant de la France…

 

Bien sûr, il n’a pas été au bout de cette logique capétienne qu’il a réintroduit dans la pratique politique de la République. Bien sûr, il est des taches sur l’œuvre gaullienne, et le gaullisme a parfois été sourd à certaines détresses (en particulier celles de nos compatriotes d’Algérie et des militaires blessés dans leur honneur par l’épreuve de la décolonisation) et a nourri quelques illusions défaites par les événements ou par les décisions mêmes du général-président ! Mais, au regard de l’Histoire, avec le recul qui permet aussi de prendre un peu de hauteur, de Gaulle reste « l’homme de la France », malgré tout.

 

Son œuvre institutionnelle, cette « monarchie inachevée », survit fragilement aujourd’hui : sans doute eût-il fallu la monarchie dynastique pour pérenniser le meilleur de la pratique et de l’héritage gaulliens, et de Gaulle l’a su mais ne l’a pas assumé jusqu’au bout malgré ses promesses au comte de Paris. En tout cas, si le gaullisme n’a pas eu le cœur de vivre sans de Gaulle (ce qui est, somme toute, assez logique), il reste à accomplir ce que le général (le régent ?) n’a pas eu le temps de mener à terme avec sa Cinquième République, si originale : non pas une simple restauration mais bien la véritable instauration d’un Etat libre dans la durée, au-delà même de son fondateur, autour d’une famille, d’une histoire renouvelée par la suite des générations, d’une Monarchie sans fard ni nostalgie, d’une Monarchie entièrement capétienne qui reconnaisse sa dette à l’égard d’un homme qui a tant fait pour assurer la régence du nationalisme, et dont, un soir de novembre, j’ai croisé le regard, en noir et blanc…

07/08/2010

La République sarkozienne, fin de la Cinquième République ?

L’été est propice aux augmentations de tarifs diverses et variées et en particulier ce moment où les Français préfèrent les joies de l’apéro convivial et des grillades entre amis aux journaux télévisés et aux débats politiques… Cette année, nous sommes gâtés ! Après les traditionnelles hausses de tarifs du métro parisien et celles, annoncées, des chemins de fer, après celles du gaz un peu avant la période estivale, voici celles des prix de l’électricité : en moyenne, 3,4 % (3 % pour les particuliers, un peu plus pour les professionnels), augmentations qui prennent effet au 15 août.

 

Pendant ce temps-là, on apprend que Madame Bettencourt a, en l’espace de trois ans, reçu environ 100 millions d’euros du fisc au titre du bouclier fiscal, et qu’elle ne paierait en impôts que 9 % de ses revenus, bien moins qu’un contribuable moyen et beaucoup moins fortuné qu’elle… Autre nouvelle « agaçante » : « 14 contribuables français disposant d’un patrimoine supérieur à 16,20 millions d’euros ont déclaré, pour l’année 2008, des revenus inférieurs à 3 430 euros ! Conséquence : tous ont payé un impôt dérisoire et… chacun a en outre encaissé un chèque du Trésor d’environ 160 000 euros. » (Le Point, 17 juin 2010). La formule veut qu’on ne prête qu’aux riches mais, là tout de même, il n’est pas exagéré de parler d’abus de la part de ces personnes qui, visiblement, n’en ont jamais assez et qui ne semblent pas vraiment concernées par les efforts demandés à tous les Français pour surmonter la crise économique !

 

Ce sont tous ces éléments qui créent, au-delà même des affaires Woerth-Bettencourt, Woerth-César, Woerth-etc., une ambiance délétère et un sentiment que l’on ressent lourdement dans les discussions vacancières (ou non, car de nombreux Français travaillent aussi en août), un sentiment de malaise diffus, de plus en plus sombre, explosif, et qui ne croit plus en la parole gouvernementale et, au-delà, politique tandis qu’elle légitime, a contrario, les propos plus vifs à l’égard des « riches » ou des « privilégiés », les jalousies sociales et les colères de comptoir ou d’apéro qui en annoncent peut-être de moins « récréatives »…

 

La République sarkozienne marque peut-être la fin de la Vème République (ou, en tout cas, de son esprit) qui avait, en ses origines, voulu être une synthèse plus ou moins réussie des traditions monarchique et républicaine, et qui avait rendu à l’Etat en son faîte une dignité et une autorité que la IIIème et la IVème avaient largement perdues… La République actuelle marque l’aboutissement de la reconquête par l’Oligarchie du Pouvoir d’Etat, et cela est fort malheureux. Mais sans doute n’est-ce que la confirmation que la République penche naturellement vers les Puissances d’Argent, quoi que l’on fasse pour éviter ce penchant fatal : De Gaulle et quelques autres ont pu, un temps, croire inverser le processus mais, peu à peu, celui-ci a été plus fort, et tous les efforts des aspirants à la magistrature suprême pour conquérir cette première place ont renforcé cette tendance à la fois oligarchique et ploutocratique.

 

Aujourd’hui, si les hausses de tarifs diverses et variées touchent « tout le monde », il n’est pas certain, néanmoins, que l’équité sociale, elle, soit bien assurée en cette République qui ne connaît plus les garde-fous de la décence et de la mesure en politique…

 

 

 

25/05/2010

Si la France osait...

La semaine dernière, un événement géopolitique apparemment lointain (l’affaire du nucléaire iranien) a démontré, si besoin en était, que le monde a bien changé depuis quelques temps, et que de nouveaux acteurs sont en train de bouleverser l’ordre international au détriment des anciennes puissances, y compris des Etats-Unis, aujourd’hui de plus en plus dépassés par les mutations rapides de la planète diplomatique.

 

Ainsi, c’est Bernard Guetta qui, dès mardi dernier sur France-Inter, relevait le fait, suivi le samedi suivant par François Bonnet dans « Marianne » : « Le 17 mai, Brésil et Turquie ont bousculé toutes les négociations en annonçant un accord avec l’Iran » ; « Mais, au-delà du dossier iranien, ces deux pays revendiquent un rôle de premier plan dans l’organisation du monde. Le Brésil de Lula comme la Turquie d’Erdogan connaissent une insolente croissance économique. Le premier est le fer de lance d’une Amérique latine sortie des dictatures militaires et des dépressions économiques des années 90. Le second s’est émancipé de la tutelle américaine pour devenir la puissance montante en Méditerranée », puissance qui se marque désormais par la multiplication d’ouvertures d’ambassades nouvelles et de personnels diplomatiques disponibles et actifs.

 

La France n’a pas forcément à s’inquiéter de cette montée en puissance de nouveaux pays, mais à en faire « le juste constat que le centre de gravité du monde a définitivement basculé » et à adapter sa stratégie diplomatique à cette nouvelle donne, non en renonçant à exister ou à peser sur les événements du monde, mais en se souvenant qu’elle a une histoire et une « identité » d’indépendance et de médiation plus encore que de confrontation. Pour cela, il lui faut éviter de se lier les mains dans des « blocs » incertains ou déjà obsolètes et inadéquats à la situation nouvelle : la France doit jouer son jeu qui n’est pas forcément celui des puissances anglo-saxonnes, les Etats-Unis venant d’ailleurs de rappeler combien ils se méfiaient encore de notre pays par le limogeage (en fait une « démission » forcée) du directeur national du renseignement états-unien qui avait décidé de « ne plus espionner la France »… Méfiez-vous de vos amis, dit le dicton…

 

Si la France osait… Elle pourrait par exemple travailler à la réalisation d’un axe Paris-Berlin-Moscou (ébauché à l’occasion de l’affaire irakienne en 2003) qui pourrait donner à l’Union européenne la puissance qu’elle n’a pas et risque de ne pas avoir si elle continue à bouder la Russie en raison, non de l’avenir ni même du présent, mais du passé ! Comme si Staline était encore au Kremlin !

 

Si la France osait… Elle relancerait véritablement l’Union pour la Méditerranée, aujourd’hui au point mort (alors que l’idée de base est plutôt intéressante et permettrait un axe stratégique Paris-Rome-Istanbul qui renouerait à la fois avec la stratégie romaine de « Mare nostrum » et avec celle de Constantinople, puis de l’empire ottoman, hier antagonistes, aujourd’hui « synthétisées ».

 

Si la France osait… Il suffit de lire les réflexions actuelles de l’ancien ministre Hubert Védrine pour constater que la France a encore un bel avenir géopolitique et diplomatique devant elle et, surtout, comme le rappelait Georges Bernanos en son temps que « le monde a besoin de la France » ! Il est des rendez-vous à ne pas manquer ! Et la relecture du fameux chapitre de « Kiel et Tanger », le maître-livre de Maurras sur la question de la politique étrangère de la France (livre que le général de Gaulle avait sur sa table de nuit la veille de son fameux séjour à Montréal et de son cri « Vive le Québec libre ! »), ce chapitre intitulé « Que la France pourrait manœuvrer et grandir » (chapitre cité par Georges Pompidou lors de son discours aux étudiants de Sciences-Po, en 1972), pourrait donner quelques idées à nos actuels gouvernants…

 

Mais, c’est Anatole France, ce républicain paradoxal, qui déclarait, rageur, que la République n’avait pas et n’avait jamais eu de politique étrangère digne de ce nom ! En fait, sans doute voulait-il dire que, même si il lui arrivait de prendre parfois des initiatives intéressantes, le système républicain lui-même manquait de ce qui fait la force d’une politique étrangère crédible, c’est-à-dire la liberté et la continuité, qualités qui ne se trouvent réunies, par le principe même de la transmission héréditaire de la magistrature suprême, que dans la Monarchie… De Gaulle le reconnaissait lui-même qui s’inquiétait de ce que ses successeurs risquaient de ne pas avoir la même légitimité que lui pour continuer ce qu’il avait entrepris dans une logique toute capétienne…